Madagascar, une sortie de crise superficielle ?

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Madagascar, une sortie de crise superficielle ?

Rapport Afrique N°218 19 mai 2014

Ce rapport est actuellement disponible en anglais uniquement. 

SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS

Madagascar est sur le point de sortir d’une crise politique de cinq longues années, aggravée par d’importants troubles économiques et un isolement international. L’élection présidentielle de décembre 2013, remportée par Hery Rajaonarimampianina, a été jugée crédible. Le retour à la démocratie permet d’envisager une reprise du soutien international. Cependant, l’exil prolongé de l’ancien président Marc Ravalomanana a polarisé le pays. Le régime putschiste d’Andry Rajoelina a été marqué par des difficultés socioéconomiques, la corruption généralisée, la désagrégation des institutions et l’effondrement de l’Etat de droit. Le système politique, principal obstacle au redressement, doit être réformé en profondeur, au-delà de changements superficiels. L’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe et le Groupe international de soutien pour Madagascar doivent soutenir Rajaonarimampianina qui tente d’arbitrer entre les différentes forces politiques, en rejetant toute tentation hégémonique. La communauté internationale doit également soutenir la réforme et le renforcement des institutions démocratiques, ainsi que la réforme et la professionnalisation du secteur de la sécurité.

Si les élections marquent un progrès, elles n’ont en rien résolu les causes sous-jacentes et les conséquences du coup d’Etat de 2009. Les relations personnelles et les jeux politiques ont plus d’importance que les lois et les institutions. Les alliances se sont de nouveau révélées très flexibles lors de la formation d’un nouveau gouvernement et de la bataille pour le contrôle de l’Assemblée nationale : les parlementaires sans étiquette convoitaient chaque bloc politique qui semblait sur le point de former une coalition majoritaire. Dans un des pays les plus vulnérables aux coups d’Etat, l’armée reste hors de contrôle du pouvoir civil. Le clivage entre Ravalomanana et Rajoelina et leurs mouvements respectifs, déclencheur de la crise, reste prononcé. Les anciennes divisions persistent, et elles ont même été dépassées et complexifiées par de nouvelles rivalités qui ont émergé entre et au sein des partis politiques lors des élections de 2013.

Madagascar a cependant réintégré le concert des nations, mené par l’Union Africaine (UA), qui en janvier 2014, peu après l’investiture du président, a levé sa suspension. Le Fond monétaire international et la Banque mondiale ont déjà renoué des liens avec Madagascar, alors que d’autres acteurs (notamment l’Union européenne et les Etats-Unis) ont indiqué qu’ils reprendront l’aide directe au développement une fois que le gouvernement sera en place – ce qui devrait avoir lieu de manière imminente suite à la nomination d’un nouveau Premier ministre, Kolo Roger, le 11 avril et à la formation du gouvernement le 18 avril. La Communauté de développement de l’Afrique australe, qui a joué un rôle prépondérant dans l’encadrement des négociations politiques menant aux élections, a fermé son bureau à Antananarivo à la fin du mois d’avril, mais devrait tout de même maintenir une présence active.

L’aide au développement devrait s’accroitre, mais l’urgence du développement risque de faire oublier l’importance des défis politiques à long terme. Ce serait une grave erreur. En effet, les faiblesses structurelles et institutionnelles sont les causes du sous-développement et des crises politiques à répétition. Une stratégie de développement à long terme, prenant en compte la réconciliation, la réforme, la prévention des conflits et la construction de la paix, doit être adoptée. Fin 2001-début 2002, un différend post-électoral avait failli déclencher une guerre civile. Depuis, l’armée est régulièrement intervenue dans la vie politique, y compris lors des deux tentatives de coup d’Etat qui ont eu lieu depuis l’installation au pouvoir de Rajoelina par l’armée en 2009. Il serait illusoire de croire que le gouvernement actuel repose sur des fondements assez solides pour garantir la stabilité et la paix durable, ni même que les élections mettront fin à la fragilité du pays.

Le président Rajaonarimampianina doit relever d’immenses défis : mettre en place un gouvernement inclusif avec lequel il pourra travailler pour réformer le système et la culture politiques ; renforcer l’intégrité des institutions ; favoriser la réconciliation nationale ; empêcher l’instrumentalisation politique des services de sécurité en répondant aux exigences professionnelles qui sont réalistes ; relancer le développement et la fourniture de services ; répondre à la crise de la santé publique (à la fois en matière de sécurité alimentaire et d’épidémies) ; et reprendre le contrôle du Sud, région en proie au banditisme et aux armes. A moins d’une transformation radicale répondant aux problèmes structurels du pays, la période actuelle ne sera que le calme avant l’inévitable tempête.

RECOMMANDATIONS

Pour promouvoir la réconciliation

Au gouvernement malgache et aux dirigeants politiques :

1.  Promouvoir une plateforme de valeurs et d’objectifs communs et une approche coopérative de la gouvernance qui encourage l’inclusion politique et une réforme législative et institutionnelle ; et expliquer et promouvoir de manière officielle le concept d’ « opposition loyale ».

2.  Etendre le mandat du Conseil de réconciliation Malagasy (FFM) tout en incluant le Conseil chrétien des Eglises de Madagascar (FFKM), et élaborer un programme d’action clair au niveau national, régional et local qui devrait être signé par les partis, mouvements et hommes politiques.

3.  Examiner les problèmes de sécurité liés au retour de l’ancien président Marc Ravalomanana et reconsidérer de toute urgence son exclusion du processus actuel d’amnistie.

4.  Communiquer et diffuser largement les priorités et les engagements du gouvernement en matière de réconciliation afin de promouvoir la participation de la société civile.

Au Groupe international de soutien – Madagascar, l’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) :

5.  Fournir un appui continu et élargi au processus de réconciliation.

Pour lutter contre la corruption et renforcer l’intégrité des institutions

Au gouvernement malgache :

6.  Faire preuve d’un engagement clair en faveur de l’Etat de droit, de la lutte contre la corruption, et du renforcement des capacités des institutions étatiques et de la confiance en celles-ci.

7.  Appuyer le renforcement de BIANCO, l’agence anti-corruption, pour enquêter et instruire les cas de corruption de haut niveau.

8.  Investir dans le renforcement des compétences nationales et renouer avec l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives afin de promouvoir la responsabilisation dans le secteur des ressources naturelles.

Au Groupe international de soutien – Madagascar, l’UA et la SADC :

9.  Soutenir les efforts du gouvernement pour lutter contre la corruption et renforcer l’intégrité des institutions.

10.  Surveiller de près le respect de l’Etat de droit et des pratiques démocratiques.

Pour séparer le secteur de la sécurité et la sphère politique

Au gouvernement malgache :

11.  Interdire aux militaires d’occuper une fonction administrative politique ou civile, et remplacer par des civils les gouverneurs militaires régionaux nommés par l’ancien président de la transition Rajoelina.

12.  S’assurer que l’évolution de carrière des officiers est à l’abri des manipulations politiques et en accord avec les bonnes pratiques internationales.

13.  Faciliter le professionnalisme et la cohésion au sein du secteur de la sécurité, qui comprend l’armée et la gendarmerie, notamment grâce aux liens avec les initiatives de l’UA et de la SADC.

Aux responsables du secteur de la sécurité de Madagascar :

14.  Déclarer publiquement et sans équivoque leur engagement et leur loyauté envers la Constitution et le principe de soumission de l’armée au pouvoir civil.

A la communauté internationale, particulièrement l’UA et la SADC :

15.  Exercer une pression forte et commune sur ces sujets.

Johannesbourg/Bruxelles, 19 mai 2014

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